L'amour en taxi.

Publié le par helgerob

                             Chronique d'un ex DGS.

 

                             Bonjour Madame la Maire,

                             Bonjour Monsieur le Maire,

 

          Comme je vous sens en forme, je vous pose la devinette du jour : quelle différence entre  d'une part mesdames, messieurs les maires et  d'autre part les chauffeurs de taxi? Réponse : les premières, premiers sont tout nus, les deuxièmes sont habillés. Ah oui? Oui : vous avez défilé la semaine dernière en petite culotte ou en slip, parce qu' à cause de la baisse des dotations d'Etat, vous allez tirer le diable par la queue ( désolée n'y voyez pas malice). Et les taxis font bouchon car l'Etat ( encore lui le vilain) veut leur supprimer le monopole de conduire des gens en véhicule.

         Je ne vais pas vous contredire ( moi, jamais!), et même je vais vous accompagner dans votre effeuillage. Quant aux taxis, personne n'ignore que vous vivez  avec eux une grande  histoire d'amour depuis très longtemps. Mais comme souvent, va arriver un troisième personnage...

L'amour en taxi.

Et, s'il vous plaît, Madame la Maire, cachez ce ... genou que je ne saurais voir.

     1)  Le roi est nu

     Il est vrai que vous n'êtes pas roi, mais un maire, c'est tout comme, non? C'est le roi républicain de la commune. Le problème c'est que vos sujets sont prêts à vous couper la tête dans six ans, si vous les malmenez. Ce n'est pas que vous le vouliez, bien au contraire, mais questions gros sous, l'Etat se montre un peu  ( beaucoup) avare.

L'amour en taxi.

Différence entre cette promenade et le porte-monnaie communal? Aucune : c'est le désert.

 Alors prêt(e)s pour le déshabillage?

a) on enlève un bout de DGF?

    La DGF ( article 1613-1 et suivants déjà rapidement évoqués dans ma chronique du 9  novembre "apprenez à vous servir de votre code  CGCT1000") atteint pour 2015 la somme de 36,600 milliards d'€ dans le projet de loi de finances adopté le 18 novembre dernier. ( Le Sénat à ce jour n'ayant pas encore dit son dernier mot.). C'est une somme quasiment astronomique, mais....en 2013, elle se montait à 41, 500 milliards d'€, et en 2014 à 40,100 milliards. Ceci pour les DGF des communes, intercommunalités, départements, régions, tous confondus.

    Pour masquer un peu le manque, l'Etat vous alloue tout de même un petit cache sexe : le FCTVA ( article 1615-1 et suivants voir même chronique citée ci-dessus) est doté de 6 milliards d'€, parce que le taux de compensation forfaitaire applicable aux dépenses d'équipement des collectivités est prévu de passer de 15, 761% ( tel qu'aujourd"hui) à 16,404%.

 Mais au final, la DGF 2015 des communes se rétracte bel et bien : en effet, la dotation forfaitaire rétrécit de 1,45 milliards d'€. Individuellement, chaque commune se verra enlever entre 64 € et 129€ par habitant du montant perçu en 2014 si elle a perdu de la population.

D'autre part, les communes dont le potentiel fiscal par habitant est au moins égal à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des communes verront leur dotation forfaitaire un peu plus rognée, au point d'atteindre 3% de la dotation forfaitaire perçue en 2014.

   Quand on sait que la DGF couvre à peu près 40% des ressources de la section de fonctionnement de la commune, qu'est-ce qu'on peut faire? Eh bien :

b) on demande aux amis de nous prêter quelques fripes?

L'amour en taxi.

Ce n'est pas la toute dernière mode, mais c'est mieux que rien, non?

L'Etat préconise que les communes les  plus riches donnent aux plus pauvres, comme ça au moins ces dernières n'auront pas à redouter les tapes sur les doigts données par la CRC en cas de budget en déséquilibre. Et ça ne date pas du projet de budget pour 2015. Puisque vous connaissez ce système "déshabillez-moi Paul pour habiller Pierre" du moins en nom : le Fonds National de Péréquation des ressources intercommunales et communales ( articles L2336-1 et suivants) créé en 2012 :

http://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/note_dinformation_fpic_2014_metro_et_dom.pdf

 Pour résumer il s'agit d'une péréquation dite "horizontale" ( ah non, je vous ai dit que il ne fallait pas y voir malice), entre un EPCI et ses communes membres. Donc les communes les  plus riches donnent aux moins riches, mais dans la limite  que la contribution  des communes  ne doit pas augmenter de  plus de 20% par an. Ce qui change c'est que pour 2015, cela pourra atteindre 30%. Très bien, vous dites-vous "mezzo vocce", cela permet que les plus démunies aient un peu plus chaud. Hélas Madame la Maire, Monsieur le Maire, cela n'est pas aussi simple. Car pour 2015 il faudra que ces communes bénéficiaires de ce Fonds présentent un effort fiscal supérieur à 0,9 ( alors que en 2014 ce taux était fixé à 0,8), et en 2016 il devra dépasser 1.  Moralité : il faudra vraiment enlever le haut et le bas pour que l'un(e) d'entre vous puisse s'en vêtir.

    Et ça tombe bien...

 

   2) Il y a longtemps que vous vous fréquentez...

 

L'amour en taxi.

Je vous offre de rentrer dans mon quatre roues, chère Madame la Maire?

   a)   Maire et taxi, c'est pour la vie...

    Mais c'est vrai que tout à fait légalement, de par votre compétence de police générale article L2212-2, vous êtes le chef de la  police de la circulation et du stationnement. C'est ce qu'on appelle une police spéciale, qui s'exerce en application de l'article L2213-2, en prenant en compte les nécessités de la circulation et la protection de l'environnement. Cet article L2213-3 dispose que le maire est compétent, par arrêté motivé pour réserver des emplacements et faciliter le stationnement des certains véhicules particuliers, dont les taxis, le maire étant par ailleurs autorisé à fixer le nombre de licences exploitables sur la commune.  

  Et la loi MAPTAM du 27 janvier 2014 en réécrivant l'article L2213-1 permet au maire d'attribuer des permis de stationnement également à l'extérieur des agglomérations ( et non plus seulement à l'intérieur) sur le domaine public routier communal et intercommunal. Et le nouvel article L2213-33 donne aussi compétence au maire pour "délivrer des autorisations de stationnement sur la voie  publique aux exploitants de taxi, dans les conditions prévues à l'article L3121-5 du Code des transports", et ceci quel que soit le propriétaire des voiries pourvu qu'elles soient ouvertes à la circulation publique.

   b) ceci étant il y avait à l'occasion quelques coups de canif...

    Comme d'habitude le trouble fête est le préfet qui s'immisce à la place du maire. Ainsi en application de l'article L2215-1 il fait coucou lorsqu'existe un service commun de taxi constitué sur plusieurs communes. Il se pose aussi sur les aérodromes où il dispose du pouvoir exclusif de réglementation de stationnement des taxis, ainsi que dans les gares, sur le domaine public ferroviaire.

  c)... mais maintenant  arrive un troisième personnage.

    La  loi MAPTAM permet le déssaisissement automatique de la police de la circulation et du stationnement que détiennent les maires ainsi qu'on vient de le voir au profit ...du président de l'EPCI, à condition que l'EPCI soit en charge de la compétence voirie, conformément à l'article L5211-9-2 ( oui, nous n'avons pas encore pioché dans le code 5000, j'anticipe un peu, mais c'est pour la bonne cause, excusez-moi, merci). Dès lors, c'est le président de l'EPCI qui pourrait se voir conférer le pouvoir de délivrer des autorisations de stationnement sur la voie publique aux exploitants de taxi.

    Oui, mais attention, le maire ne va pas se laisser faire. En effet, le transfert de la compétence voirie n'est obligatoire que dans le cas  de certains EPCI : communautés urbaines article L5215-20, et métropoles article L5217-2. En ce qui concerne les autres EPCI ( communauté d'agglomération, communauté de communes), cela reste une option. Et le maire dispose de 6 mois à partir de l'élection du nouveau président de l'EPCI ou à compter du transfert de compétence " gestion de la voirie" pour faire connaître son opposition. En ce cas, le président de l'EPCI pourrait  renoncer à l'exercice de ses pouvoirs de police afférents sur les communes qui auront ainsi fait valoir leur opposition....et le maire pourrait retrouver ses attributs vis-à-vis des taxis et filer encore le parfait amour sans rival...

L'amour en taxi.

Tout est bien qui finira bien?

Bien respectueusement, un ex DGS.

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