Mon beau sapin.

Publié le par helgerob

                      Chronique d'un ex DGS.

                      Bonjour Madame la Maire, bonjour Monsieur le Maire,

 Mon beau sapin.

Mon beau sapin, roi des forêts...et des eaux.

                  Aïe-aïe, aïe, penserez-vous peut-être ( oui je devine vos pensées, depuis le temps...), voilà que ce chroniqueur ne se souvient pas des paroles exactes de cette chanson traditionnelle de Noël dans laquelle il n'a jamais été question d'eau. Je ne me permettrai pas de vous contredire, Madame, Monsieur le Maire, mais seulement d'apporter une précision : j'évoque la loi Sapin, et pas le sapin de Noël.

     1) A l'eau?

      Je ne vous demande pas de vous mettre à l'eau en ce moment, il fait bien trop froid, je vous demande juste si vous avez déjà lancé une procédure de délégation de service public pour gérer votre service d'eau ( et/ou d'assainissement). Si oui, alors vous savez tout, donc vous pouvez si vous le voulez vous plonger... dans vos notes  avant votre prochaine réunion.  Si non, on s'y jette. ( dans l'eau, pas dans vos notes).

      Pas de  panique, en général,  avant de lancer une DSP, on se fait assister soit par une société de conseil, ou bien  d'un qui sait déjà, mais qui est un acteur public. Ceci étant un homme (femme) averti(e) en valant deux,  il  vaut tout de même mieux  vous rappeler que les DSP (délégation de SP) sont régies par les articles L.1411-1 à L.1411-19 et R.1411-1 à R.1411-8. Et comme vous avez une mémoire excellente, vous vous souvenez que j'ai justement évoqué  les articles 1411 lors de ma précédente chronique "C'est la crise et en plus il est interdit de fumer" en date du 6 décembre, où l'on parlait d'une société délégataire du service public d'un casino municipal qui voulait faire porter le chapeau de sa déconfiture à  la commune ; quelle mentalité...

     Mais les casinos n'étant pas légion en nos jolis territoires, il convient plutôt d'évoquer le cas de l'eau, que sa gestion soit communale, intercommunale, ou syndicale.

 

  2) Savoir se rattraper aux branches...

 

 Mon beau sapin.

En cas de doute, faites la planche...

  

     a) les branches de la loi :

     Cette loi est  née le 29 janvier  1993 de son Papa ( mais non, pas Papa Noël) Michel Sapin et modifiée et complétée  ( nul n'est  parfait, même pas le sapin) à de multiples reprises ( ah la chirurgie esthétique des lois, qu'est-ce que ça peut vous changer le texte), dont la loi MURCEF du 11 décembre 2001 et la dernière en août 2014. Vous la voulez? Vous l'avez :http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000711604

    Inutile de tout lire, seuls les articles du chapitre  4 concernent la DSP, donc de l'article 38 à l'article 48, soit dix petits articles seulement. Ensuite tout fut codifié dans le CGCT pour donner au final ces  articles L1411-1 à L1411-14.

  Je vous  résume ces 14 articles  (dont  les articles 1, 2, 4, 7, 9 et 18 sont à garder en mémoire). : 1 : ce qu'est  une DSP. Mode de  "rémunération"liée substantiellement aux résultats de l'exploitation du service".  Comment on préselectionne les candidatures, et on transmet le cahier des charges. Principe de la libre négociation des offres. 2 :durée de la DSP (dont celle de l'eau qui ne doit pas excéder 20 ans). Prolongation. Amortissement. Interdiction de services ou paiements étrangers à l'objet de la DSP. Tarifs et redevances. 3:  Rapport annuel. 4 : Délibération préalable sur le principe d'une DSP. 5 : publicité et établissement du recueil d'offres. Commission d'ouverture des plis. Libre choix par l'exécutif et libre négociation. 6 : Avenants éventuels. 7 : Autorisation de l'assemblée délibérante. 8 : en cas de candidatures infructueuses, possibilité de négociation directe. 9 :  transmission au contrôle de légalité préfectoral dans les 15 jours. 10 : application des dispositions aux intercommunalités et groupements ( syndicats). 11: conventions signées avant mars 1993. 12 : particularités de certaines DSP : si monopole, ou si convention "in house", ou si moins de 106 000€ dus au délégataire pour toute la durée de la convention ou si pas plus de 3 ans et pas plus de 68 000€/an. 13 :  communes de + 3500h information du public. 14 : information du public si EPCI ou syndicats mixtes comprenant au moins une commune d'au moins 3500h. 15 : départements. 16 : régions. 17 : EPCI ou syndicats mixtes comprenant un département ou une région. 18 : transmission des DSP par le préfet à la Chambre Régionale des Comptes ( CRC). 19 : DSP à une société publique locale (SPL)

   b) et celles des décrets d'application ( articles R 1411-1 à R 1411-8):

http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=121C2ACA2F1BCD7140C038B

   Je vous les résume : 1 : insertion de l'annonce dans 2 publications, cas général. 2 : insertion de l'annonce, cas particulier. 3 à 5  : modalités d'élection des membres de la commission d'ouverture des plis. 6 : modalités de saisine de la CRC par le préfet, avis de la CRC. 7: contenu du rapport annuel que doit rendre le délégataire. 8 : ce rapport est joint au compte administratif de la commune pour information du public dans les communes d'au moins 3500 h.

 

  3) rien de mieux que des exemples...bien trempés

 

 Mon beau sapin.

J'étais dans mon lit de rivière de l'eau indisciplinée, paresseuse, sale et boueuse, froide, et maintenant... me voici chez vous, domestiquée, courante, propre et transparente, froide ou chaude selon votre bon plaisir.

  Ainsi que mentionné à l'article L1411-18, le Préfet à qui la DSP a été envoyée pour contrôle de légalité peut la faire parvenir à la CRC. Laquelle en appplication de l'article R 1411-6 "rend un avis motivé dans lequel elle examine notamment les modalités de passation, l'économie générale de la convention, ainsi que son incidence financière sur la situation de la collectivité ou de l'établissement public concerné." Cet avis est envoyé bien entendu au préfet, mais aussi à la collectivité ou à l'établissement public, qui doit le communiquer à  l'assemblée délibérante dès qu'a lieu sa première réunion suivant la réception dudit avis.

   Et justement la CRC de la région PACA a rendu un tel avis en février sur la gestion de l'eau et de l'assainissement sur le territoire de la  Communauté Urbaine (CU) de Marseille.

 

         4)    D'où il en...découle :

     -  La clause de durée : 15 ans est théoriquement de bon aloi ( l'article L 1411-2 mentionnant une durée maximum de 20 ans). Oui, mais ....non. La CRC juge que cette durée de 15 ans est excessive car elle ne voit  aucun lien entre ces 15 ans et le montant des investissements demandés au délégataire et leur durée d'investissement. Autrement dit si vous souhaitez mettre telle ou telle durée dans votre contrat avec le délégataire, il faut absolument justifier pourquoi. En effet cette durée doit permettre un bénéfice au délégataire certes, mais ce bénéfice doit se trouver en cohérence avec le fait que une fois que les investissements financiers du délégataires sont amortis, il convient de sauvegarder les intérêts des usagers, la cohérence donc du prix du service, et bien sûr la réalité économique du marché.

   - Les tarifs : la formule de variation des tarifs est théoriquement toujours calculée de telle façon  qu'elle permet au délégataire de supporter les variations brutales des coûts et  aussi d' éviter que la collectivité ait à payer une indemnité au délégataire ( comme le demandait la société gérant le casino que nous avions étudiée le 6 décembre dans ma chronique " c'est la crise et en plus il est interdit de fumer"). Mais en aucun cas, cette formule ne doit mener à une augmentation incessante des tarifs.

           Alors en  pratique :

            - la collectivité a intérêt à définir dans le contrat ce qu'elle entend par "bénéfice raisonnable", en créant un référentiel pouvant servir pour d'éventuels avenants, dans la mesure où la durée serait longue ( au moins 10 ans).

          -  il convient d' adopter  les modifications éventuellement  nécessaires au contrat, en étudiant attentivement les rapports annuels que doit fournir le délégataire, les contrôles de l'autorité délégante devant se monter attentifs et réguliers.

       Tout ceci en ne perdant jamais de vue que la rémunération du délégataire doit être substantiellement assurée par le résultat de l'exploitation du service, étant entendu que le délégataire assume une part du risque d'exploitation, et que l'objet de la délégation est un service public, donc que le bénéfice se doit d'être raisonnable.

 Mon beau sapin.

Finalement, Madame la Maire, Monsieur le Maire, on peut bien se permettre une petite bataille de boules de neige, parce que la neige est-elle autre chose que de ...l'eau?

Bien respectueusement, un ex DGS.

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